Ney : histoire, structure, techniques, matériaux, accordage et savoir-faire
1. Histoire et répartition géographique du Ney
Le ney est l'un des plus anciens instruments à vent, originaire du Moyen-Orient, dont les racines historiques remontent aux civilisations mésopotamienne et égyptienne antique. Des découvertes archéologiques montrent que des flûtes similaires au ney étaient utilisées dès 5000 avant J.-C. en Mésopotamie et vers 3000 avant J.-C. en Égypte antique. Cela fait du ney l'un des plus anciens instruments de musique encore en usage aujourd'hui.
Au fil du temps, le ney s'est répandu au Moyen-Orient, dans le bassin méditerranéen et en Asie centrale, devenant partie intégrante des traditions musicales persanes, turques et arabes. Dans la culture ottomane, le ney occupait une place particulière, notamment dans la musique classique turque et les traditions soufies. Il devint même essentiel aux rituels mevlevi (cérémonies des derviches tourneurs), symbolisant l'aspiration de l'esprit humain à son origine divine.
Aujourd'hui, le Ney ne se limite pas à la musique traditionnelle ou spirituelle, mais est largement utilisé dans les genres populaires, cinématographiques et musicaux du monde, reflétant son attrait polyvalent et intemporel.
2. Structure et parties du Ney
Le Ney est une flûte cylindrique en roseau, ouverte, fabriquée principalement en roseau (Arundo donax). Le Ney idéal comporte environ neuf segments (nœuds), séparés par des intervalles précisément mesurés.
Les principaux composants du Ney comprennent :
- Corps (roseau/bambou) : La structure principale, fabriquée à partir de bambou soigneusement sélectionné et séché, est responsable de la qualité tonale de l'instrument.
- Parazvane:Anneaux métalliques placés aux deux extrémités du Ney pour éviter les fissures, généralement en argent, en laiton ou en alpaga.
- Başpare (embouchure) : Fixée au sommet du ney, cette pièce affecte considérablement la production sonore et la facilité de jeu. Les matériaux traditionnels incluent le cor, l'ivoire, l'ambre et divers bois (comme l'ébène, le buis, le palissandre et l'olivier), tandis que les alternatives modernes sont des matériaux synthétiques comme le Delrin.
Chaque ney possède sept trous de tonalité : six à l'avant et un trou pour le pouce à l'arrière. L'emplacement et la taille des trous sont essentiels, car ils déterminent l'accordage et la justesse tonale de l'instrument.
3. Techniques de jeu du Ney
Jouer du ney requiert des techniques spécifiques, principalement liées au contrôle du souffle et au positionnement des lèvres. Les débutants peinent souvent à produire un son, car cela exige un contrôle précis de l'angle du souffle et du placement des lèvres. Les joueurs de ney (neyzens) apprennent à produire un son en dirigeant un flux d'air contrôlé sur le bord tranchant de l'embouchure.
Les techniques clés comprennent :
- Respiration de base et embouchure : Un positionnement correct des lèvres et une respiration soutenue par le diaphragme pour générer des tons clairs et cohérents.
- Techniques avancées: Les joueurs expérimentés utilisent le vibrato (obtenu par des mouvements contrôlés de l'instrument, de la tête ou de subtiles vibrations des lèvres) et un contrôle nuancé de la respiration pour des textures sonores variées.
- Portamento/Glissando : Les Neyzens utilisent des mouvements subtils des doigts ou des angles de respiration variables pour glisser en douceur entre les notes, en particulier dans les improvisations expressives.
- Ajustements microtonaux : Les Neyzens ajustent légèrement la position des doigts, couvrant partiellement les trous de tonalité pour produire des quarts de tons et des intervalles microtonaux essentiels à la musique traditionnelle du Moyen-Orient.
3. Effets des différents matériaux de base sur les performances du Ney
Le başpare, ou embouchure, influence considérablement la qualité sonore et la facilité de jeu du ney. Le choix du matériau affecte directement les caractéristiques sonores de l'instrument :
- Corne (en particulier la corne de buffle d’eau) : Privilégié pour sa sonorité brillante et puissante et son flux d'air efficace, offrant clarté et résonance, en particulier dans les registres les plus élevés.
- Matériaux en bois : Le buis, le palissandre, l'ébène et l'olivier offrent chacun des tonalités distinctes. L'ébène produit un son brillant et robuste, semblable à celui du cor, tandis que le buis produit un son plus doux et plus chaud.
- Matériaux synthétiques (Delrin, acrylique) : Les options modernes, très durables et résistantes aux changements environnementaux, offrent cohérence et fiabilité, bien que certains traditionalistes perçoivent leur ton comme moins organique par rapport aux matériaux naturels.
Le choix d'un baspare dépend en grande partie des préférences personnelles et du style de jeu, car chaque matériau peut améliorer ou diminuer de manière unique les qualités tonales en fonction de la technique individuelle du joueur.
4. Accordages et types de ney
Dans la musique classique turque, les instruments Ney sont nommés selon leur hauteur fondamentale, la note la plus grave produite avec tous les trous couverts. Chaque taille de Ney correspond à une tessiture et à un usage particuliers :
- Bolahenk Ney : Environ 1010-1040 mm, accordé autour de E.
- David Ney : Environ 900-940 mm, accordé en fa.
- Şah Ney : Environ 865-890 mm, accordé en sol.
- Mansur Ney : Le plus courant, environ 770-810 mm, accordé en A.
- Kız Ney : Environ 680-720 mm, accordé en si bémol. Le plus utilisé en raison de son son clair et brillant.
- Yıldız Ney : Environ 640-670 mm, accordé en Do.
- Sipürde Ney : Type principal le plus court à environ 570-600 mm, accordé en ré.
Les tailles intermédiaires (comme le Müstahsen Ney, accordé autour de Do#) comblent les lacunes tonales, permettant aux joueurs de sélectionner des instruments spécifiquement adaptés à la tonalité du morceau musical.
4. Artisanat Ney
La fabrication du ney est méticuleuse et exige un savoir-faire expert. Le processus commence par une sélection et une récolte rigoureuses de la canne, principalement dans des régions comme Hatay-Samandağ en Turquie, où elle pousse naturellement dans des conditions idéales. La canne est récoltée à pleine maturité (généralement à la fin de l'automne), puis séchée naturellement pendant des mois, voire des années, pour stabiliser sa structure.
Les étapes de fabrication comprennent :
- Préparation interne : Nettoyage des nœuds internes et évidement précis de l'anche.
- Perçage des trous de tonalité : Les trous de tonalité sont soigneusement positionnés et ajustés pour correspondre à la hauteur et à la gamme souhaitées. Un accordage précis nécessite des ajustements précis : de petites variations peuvent altérer considérablement le son du Ney.
- Ajout de Parazvanes : Des anneaux métalliques montés aux deux extrémités du Ney empêchent les fissures et assurent la stabilité.
- Montage du Başpare : L'embouchure est soigneusement façonnée et fixée à l'extrémité supérieure. Cette forme précise assure confort et qualité sonore optimale.
Les derniers réglages et les tests acoustiques minutieux effectués par le maître artisan garantissent que chaque Ney est parfaitement réglé et jouable.
4. Conclusion
Le Ney se distingue par sa profonde expressivité et sa signification culturelle. Sa richesse historique, ses subtilités structurelles, la diversité de ses techniques de jeu et son savoir-faire artisanal contribuent à son attrait durable. Choisir la bonne combinaison de Ney et de Başpare est un parcours personnel, fortement influencé par le style unique de chaque musicien, ses préférences techniques et ses attentes sonores.
Aujourd'hui, Ney continue de résonner auprès des musiciens du monde entier, reliant traditions ancestrales et paysages musicaux contemporains. Sa sonorité envoûtante et émouvante demeure un puissant lien entre passé et présent, mêlant spiritualité et sophistication musicale.
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